Accompagnement Espace Django Strasbourg Neuhof

1, 2, 3, accompagnement !

Entretien avec Benoît Van Kote, co-directeur en charge de la programmation à Django.
16.06.2023

L’accompagnement constitue l’un des axes forts du projet de l’Espace Django. Peux-tu nous expliquer en quoi cela consiste ?

En 2016, lorsque nous avons repris la direction de l’Espace Django, trois grands axes se dégagèrent naturellement du projet. La diffusion, l’action culturelle et l’accompagnement. Ce mot un peu fourre-tout consiste à soutenir les artistes locaux. L’écosystème des musiques actuelles est vaste, complexe et souvent bien flou pour de jeunes artistes. Il existe déjà bon nombre de dispositifs pour y voir plus clair, notamment grâce aux centres de ressources, et il semble incontournable pour un lieu culturel de se pencher sur la question : comment aider les artistes à s’intégrer dans nos projets et dans la filière. Avec nos moyens, nous espérons apporter des réponses, en complément de l’existant.

Quels types d’actions mettez-vous en place ?

Avant même les outils que nous avons créé et les dispositifs que nous avons intégré, la solution la plus naturelle passe par la diffusion. Ainsi, la scène strasbourgeoise représente 51% des artistes engagé·es en 2022 (62% si on considère la scène régionale). Une manière évidente de mettre en lumière les talents locaux et de les soutenir. Dans le projet Django, la diffusion passe aussi par les actions culturelles, ainsi, nous travaillons en lien étroit avec les artistes régionaux pour des ateliers, des interventions et autres initiatives vers des publics variés, dans ou hors nos murs. Bien sûr nous allons plus loin avec divers outils. La Pépinière Django a pour objectif d’accompagner trois groupes ou artistes strasbourgeois·es sur une durée de deux ans. Il s’agit de repérer des projets adaptés au dispositif, d’y consolider l’aspect artistique et entrepreneurial pour se professionnaliser, s’armer et intégrer durablement la filière des musiques dites actuelles. Déjà 4 promotions de pépiniéristes avec 13 groupes accompagnés : Jivre, Laventure, Mismo, Amor Blitz, Difracto, La Bergerie, Albinoid Sound System, Dirty Deep, Encore, Freez, et actuellement nos trois « protégé·es » sont Beatrice Melissa, Pales et Las Baklavas.

Nous avons également intégré depuis 2020 le dispositif Iceberg. Une opération transfrontalière, portée par les Eurockéennes de Belfort côté français et le Fédération CMA côté suisse, qui propose des résidences croisées entre les deux pays, coachées par des intervenant·es sélectionné·es sur mesure par Iceberg. Ainsi T/O a pu faire une résidence en suisse avec Côme Aguiar, puis Cheap House avec Arnaud Rebotini, BBCC avec Cyril Bondi, et cette année ce sera Flupke qui bénéficiera de cet approfondissement artistique. De notre côté nous avons eu la joie d’accueillir les suisses Chien Bleu, Femme Fatale et Alma Catin. Depuis deux ans, le « Camp », réunit pendant quelques jours tous les artistes et salles associées au projet pour un échange riche en expériences et en formations. Iceberg stimule la création, la professionnalise mais permet aussi une ouverture sur le passionnant territoire suisse. Assurément, nos voisins ont -aussi- du talent !

Depuis cette année je suis également antenne Alsace des iNOUïS du Printemps de Bourges. Un dispositif de répérage et d’accompagnement qui commence en région pour un aboutissement national au festival printanier. Un processus assez long qui débute par les sélections sur écoute en automne, les auditions régionales en hiver, puis une mise en commun au niveau national pour la fine sélection de la trentaine d’iNOUïS qui joue au Printemps de Bourges en avril. Grande joie cette année avec la sélection de notre pépiniériste Pales qui a représenté l’Alsace le 19 avril à Bourges. Bien sûr, chaque étape s’accompagne de conseils, de résidences et de diagnostics pour les groupes concernés. Citons par exemple ¥end, Naeko, Flupke ou Téklémek qui ont pu préparer les auditions avec une résidence à Django. Un dispositif tel que les iNOUïS permet également d’intégrer un réseau de partenaires qui travaille à l’échelle nationale sur la promotion de la scène émergente. De nombreux artistes programmés à Django ont été, ou seront, dans la sélection des iNOUïS (Flèche Love, Terrenoire, Zaho de Sagazan, Calling Marian, Oete, Eesah Yasuké, Romane Santarelli, YN, San Salvador…). Aussi, la salle de l’Espace Django est rarement inoccupée. En effet, la grande majorité des jours sans manifestations sont proposés à la résidence pour les artistes locaux. Création ou préproduction scénique, c’est ainsi qu’une bonne trentaine de groupes par saison viennent peaufiner des prestations qui seront données à voir par la suite. Une mise à disposition technique d’une scène équipée professionnelle bienvenue dans le paysage au vu du nombre de demandes !

Enfin, c’est dans l’ADN de Django, nous accueillons, renseignons, conseillons les artistes qui se présentent à nous, de manière plus informelle. Une sorte de mise en réseau est ainsi orchestrée avec de nombreux partenaires de la filière : salles, agence de production, de booking, de management et autres réseaux professionnels. Des collaborations territoriales, des participations aux temps forts professionnels et autres conventions sont autant d’occasions de représenter avec fierté la foisonnante scène locale.

« L’accompagnement ici ressemble à une sorte de laboratoire à scène ouverte, modelé par les artistes eux-mêmes par le prisme du projet Django. »

Tu participes également à de nombreux jurys de tremplins musicaux, qu’est-ce que cela apporte à Django, et à toi en tant que programmateur ?

Il existe en effet de nombreux tremplins ou dispositifs qui sollicitent un jury professionnel dont nous faisons partie. Le tremplin Décibulles, le FIMU, Nancy Jazz Up!, le tremplin Pulsations, les iNOUïS, Buzzbooster ou autres sélections d’accompagnement de salles partenaires ou de plateforme de diffusion… Bref, il y en a pas mal ! C’est toujours un grand plaisir d’y participer. Tout d’abord on écoute de la musique, c’est quand même ce qui m’amène principalement à faire ce que je fais. Ensuite ça permet de découvrir, de repérer et d’alimenter une veille artistique perpétuelle et nécessaire pour tout·e programmteur·ice. L’exercice n’est pas toujours facile, mais néanmoins hyper intéressant et stimulant. L’erreur est de sélectionner le meilleur, le fantasme est de sanctionner les plus fragiles. Rien de tout ça ! Un juré est censé faire abstraction de ses propres affinités artistiques, être assez curieux, appréhender tous les styles, et surtout choisir les groupes qui correspondent le mieux aux objectifs du tremplin ou dispositif en question. Il y a des critères artistiques bien sûr mais beaucoup d’autres comme le potentiel de développement, l’entourage professionnel, la projection scénique et bien d’autres selon les cas. Le tremplin Décibulles est un bon exemple, les artistes présélectionné·es jouent dans le mythique écrin du Café Freppel, café-concert à taille humaine, et il faut se projeter sur la grande scène du festival, en ouverture. Pas toujours simple comme exercice mais toujours de palpitants échanges entre membres du jury. Ce sont toujours de bons moments de rencontre, avec des collègues, des lieux, des associations, des territoires qui me stimulent personnellement, professionnellement et influent donc pleinement sur le projet Django.

Faut-il une formation particulière afin de faire de l’accompagnement artistique ?

Alors, oui bien sûr ! Il s’agit d’un métier, même de plusieurs métiers avec tous les savoir-faire et savoir-être qui vont avec. Cela dit, je suis mal placé pour en parler, je n’ai aucune formation en ce domaine ! Mais je ne me considère absolument pas comme un chargé d’accompagnement. Je n’ai d’ailleurs pas plus de formation en programmation parce qu’il n’en existe pas. Personnellement, je suis un mélomane qui commence à avoir une certaine expérience dans le secteur culturel, et je le répète souvent aux artistes que je peux orienter, il faut se nourrir de plusieurs avis, plusieurs personnes, le plus possible pour trier et prendre les bons conseils aux bons endroits. Nous n’avons pas de chargé·e d’accompagnement à proprement parler à Django. Cela est compensé par pléthore de compétences avec lesquelles nous collaborons à Strasbourg ou ailleurs. Des intervenant·es divers selon les besoins identifiés par les artistes : intervenant·es administratifs, coach scéniques, coach vocal, musicien·ne conseil, technicien·nes son ou lumière, éditeur·ices, booker·euse, manageur·euses…. L’accompagnement ici ressemble à une sorte de laboratoire à scène ouverte, modelé par les artistes eux-mêmes par le prisme du projet Django.

Si un.e artiste souhaite être accompagné.e et/ou conseillé.e par Django, quelle démarche doit-il/elle entreprendre ?

Alors premièrement je lui conseillerais de ne pas être accompagné·e uniquement par Django ! La place de l’artiste est primordiale dans la société. Nous l’avons certainement perdu de vue ces dernières décennies mais un monde sans artistes ne tourne pas rond. À ce titre, l’artiste doit se nourrir de son territoire et inversement. Pour aller plus loin, il est super intéressant de se pencher sur le rôle et la place donné aux griots dans de nombreux pays en Afrique. Nous avons beaucoup à apprendre. Sinon, pour répondre à la question, il faut sortir, voir des concerts, s’inspirer, rencontrer et surtout connaître les projets et les personnes des structures actives de son territoire. La lecture de cet entretien peut déjà donner des pistes… Non ?