Voyage avec Emanuelle Zanfonato

04.12.2018

Cette artiste multifacette nous accompagne avec bonheur depuis presque 3 saisons, autant sur des interventions régulières avec des ateliers parents-enfants (en compagnie de Fabienne Delude) que sur des impromptus artistiques auprès de la petite enfance. L’occasion de retracer avec elle quelques lignes de ce parcours en commun.

Scénographe, costumière, comédienne, chanteuse, musicienne intervenante, vous êtes tout ça à la fois ?

Scénographe-costumière est ma formation initiale, elle s’est développée de façon prioritaire à ma sortie de la Villa Arson de Nice. J’ai toujours travaillé pour des compagnies de théâtre, danse, marionnette et théâtre d’objets comme scénographe-costumière. En parallèle, j’étais chef décoratrice pour France 3 Alsace puis Arte à son commencement et ce pendant 10 ans pour les soirées Théma. Attirée par le chant depuis l’adolescence, par le jeu en direction de la manipulation d’objets et par le corps en mouvement, je me suis formée de façon personnelle et continue. Actuellement, mon activité est plus tournée vers le jeu, le chant et le mouvement sans pour autant délaisser la scénographie et le costume au service de projets plus personnels. J’aime m’adresser à des publics très différents. Aux tout-petits en famille avec « Pluie » (co-réalisation Cie Médiane/Teater Blick) et « Plein de (petits) rien » (Cie Lili Désastres), encore programmés et ce depuis 10 ans ! Aux plus grands dans la rue avec Les Clandestines, au théâtre avec Actémothéâtre, en concert avec Jour de Blanc et Kalevi Uibo. Mon activité de transmission au CFMI (Centre de Formation de Musiciens Intervenants en milieu scolaire) de Sélestat contribue également à nourrir mes expériences, à affiner le langage artistique où se côtoient enfants et adultes dans des spectacles musicaux pour les enfants et leurs accompagnants.

« C’est un compagnonnage (...), cheminer ensemble dans le temps, affiner, prendre des distances, se retrouver, grandir, se tromper, trouver des résolutions et avoir de la joie à faire ce que l’on s’autorise à faire »

Votre collaboration avec l’Espace Django se poursuit depuis plusieurs saisons déjà : comment a-t-elle démarré ?

Elle a commencé lorsque nous sommes venues Fabienne Delude et moi-même proposer à l’Espace Django notre projet de Ciné-théâtre d’Ombres Sonores et Musicales en direction des enfants. Ce projet était tout nouveau pour nous et nous avons rencontré une équipe également naissante, très enthousiaste, prête à nous accompagner dans cette expérience. Nous avons continué et continuons encore avec l’équipe de Django à chercher ensemble sa juste place dans leur projet et dans notre parcours personnel. C’est un compagnonnage et c’est ce que j’affectionne le plus dans la façon de travailler : cheminer ensemble dans le temps, affiner, prendre des distances, se retrouver, grandir, se tromper, trouver des résolutions et avoir de la joie à faire ce que l’on s’autorise à faire.

Pour la 3e année consécutive, vous allez proposer ce trimestre avec Fabienne Delude des ateliers parents-enfants aux familles du Neuhof. Quelles seront les spécificités de cette intervention ?

Le principe est le même au départ que les années précédentes : un grand écran, un rétroprojecteur, des dessins, des ombres de silhouettes humaines et de carton, des matériaux sonores, des micros... Ce qui est nouveau : ce trimestre nous avons proposé de mutualiser les potentiels du site Django. Il y a sur place également la médiathèque du Neuhof et l’école de musique du CSC Neuhof. Nous avons proposé de travailler ensemble en se rassemblant autour de la mise en Théâtre d’Ombres Sonores et Musicales d’un ou de plusieurs albums jeunesses pour réaliser un spectacle en famille. Les bibliothécaires de la médiathèque ont fouillé dans leurs bacs et nous ont proposé des ouvrages desquels s’est alors dégagé un thème ayant un fort potentiel visuel et sonore. L’école de musique proposera à ses élèves volontaires d’imaginer le musical du visuel.

Nous vous retrouverons aussi pour un nouveau semestre d’impromptus artistiques auprès des tout-petits, dans les structures de la petite enfance du quartier. Que nous préparez-vous ?

J’ai très envie de continuer mon exploration de la relation interactive avec le public des tout-petits. L’an passé elle était naissante, il me fallait prendre confiance dans le fait que l’écoute fine, dans une proposition pour les petits, peut passer par une action intuitive de leur part. Mais la question centrale qui se pose pour moi est celle de la qualité de la relation au public des tout-petits. Cela passe par plusieurs choix. Le premier, qui faisait partie du cahier des charges, était de ne pas déplacer les enfants, le voyage étant à lui seul déjà « un spectacle », d’aller dans leur espace, d’être une invitée modeste en étant au plus près d’eux, des personnes qui les entourent et de leur rythme. Puis il a fallu adapter une forme à des espaces différents, faire entrevoir l’idée de l’impermanence d’un lieu que les enfants connaissent, et enfin proposer au public d’être en partie actif et non plus seulement passif, lui donner la possibilité de participer à la construction sonore du spectacle. Cette fois, je propose de m’appuyer sur l’expérience vécue à l’école maternelle Reuss (j’en parle plus bas*) et d’embarquer les enfants dans une migration de volatiles humains... On suit le sens du vent, il nous happe, nous enveloppe, nous entraîne dans une forêt d’arbres sonores aux allures de mâts de bateaux. Une trame narrative chantée accompagne les enfants qui vont être mobiles, ressentir et vivre pleinement le voyage, en fabriquer en direct le paysage sonore.

« Une expérience corporelle, musicale et sonore à vivre, à construire ensemble »

Grâce cette belle relation avec l’Espace Django, d’autres projets sont nés dans le quartier avec différents partenaires. Comme un effet boule de neige. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Oui bien sûr, il y a eu cette demande de collaboration avec l’école maternelle Reuss : « Jardin sonore », relayée par l’Espace Django. Il s’agissait au départ d’une demande d’intervention musicale dans deux classes de maternelle. Mon projet était d’investir le jardin avec des actions et dispositifs sonores manipulés par les enfants pour faire un spectacle en déambulation autour d’un propos (voir plus haut*). Cette expérience toute nouvelle a été pleine de découvertes quant aux capacités des enfants petits (c’était ma première expérience avec des enfants de cet âge) à entrer dans une proposition d’écoutes et d’explorations en salle puis de reproduction en extérieur. Les enseignants, le directeur de l’école ont été parties prenantes du projet, l’ont accompagné très concrètement et avec enthousiasme. Un dossier est déposé pour l’an prochain dans cette même école avec d’autres classes, nous attendons de savoir s’il va être validé. Les enfants seront un peu plus grands, ils vont pouvoir fabriquer des objets sonores qui seront intégrés au nouveau « Jardin sonore ». En germe... Un souhait de création qui découlera directement de toutes ces expériences « Chacun cherche son nid », spectacle chanté et participatif pour les tout-petits et leurs accompagnants. A la manière d’une comédie musicale, la voix guidera, accompagnera le public, jeunes oiseaux tout juste nés et prêts pour l’envol. Mais où aller ? Où se poser ? Le monde est tellement vaste ! On atterrit ici, mais l’orage nous chasse... Et puis... Il faut reprendre l’envol, allez voir plus loin, toujours plus loin... Du théâtre sans en être, une expérience corporelle, musicale et sonore à vivre, à construire ensemble.