(RE)TRANSMETTRE EN CONTINU !

10.04.2019

Cette saison, notre partenariat avec le CFMI (Centre de Formation des Musiciens Intervenants) s’est renforcé, autour de cette volonté partagée de transmettre, de bousculer, de déplacer le curseur grâce à la pratique artistique. Depuis le mois de novembre, Alexia Walter, stagiaire en 2e année au CFMI, intervient chaque lundi dans 8 classes des écoles Guynemer 1 et 2. Une façon d’accroître la présence artistique auprès des enfants et de densifier leurs liens naissants avec la musique. Mais Alexia ne s’est pas arrêtée là ! Elle a décidé de prolonger l’aventure sur le Neuhof avec un stage hors temps scolaire auprès de l’EHPAD Laury Munch, puis est intervenue lors du marché de l’APAN (Association pour l’Animation du Neuhof) avec le collectif Big Est. La fête s’est même prolongée le 5 avril dernier, lors d’un goûter-concert des étudiants du CFMI à la sortie de l’école, devant les établissements Guynemer 1 et 2, en compagnie des familles (voir page 6 dans la programmation). Retour avec elle sur cette expérience riche en émotions !

Peux-tu nous présenter le « métier » de musicien intervenant ? Quel est ton rôle précisément ?

Musicien intervenant, c’est un peu un métier hybride... Nous sommes des musiciens qui ont pour objectif de transmettre la musique sous toutes ses formes : le chant choral, le rythme, l’exploration de corps sonores, de sa voix, de son corps avec à la musique, etc. La formation que nous recevons au CFMI de Sélestat est très riche, autant en pratique qu’en théorie. Nous sommes sur le terrain dès les premiers mois de formation : ça fait peur mais c’est très formateur ! Quand tu arrives dans la formation, tu es déjà musicien. L’idée, c’est donc de nous apprendre à apprendre, à transmettre, à partager, tout en gardant notre identité de musicien. A Sélestat, il y a un côté très scolaire dans l’apprentissage mais aussi très respectueux de qui nous sommes, en tant qu’artiste. Être musicien intervenant pour moi, c’est donc transmettre via la musique de bonnes valeurs et de bonnes ondes. On crée des projets musicaux très variés en essayant de s’adapter aux besoins des enfants, aux envies des enseignants ainsi qu’aux réalités des quartiers dans lesquels nous intervenons. Ce que j’aime dans ce métier, c’est qu’une fois le diplôme en poche, je pourrai intervenir à différents endroits, autant dans les écoles primaires/ maternelles que dans les crèches, les EHPAD, etc.

Cette saison, tu interviens au Neuhof toute l’année. Que peut t’apporter une telle immersion ?

Je n’ai jamais vécu dans ce quartier mais j’y ai passé un peu de temps lors de mes premières années à Strasbourg, dans le cadre de différents projets. Avant mon arrivée à Strasbourg (il y a presque 10 ans), j’en avais entendu beaucoup parler comme un quartier « chaud », « sensible »,
« dangereux ». Je n’en ai rien écouté... Je déteste les aprioris, les idées reçues. D’autant que ce genre de propos, tu l’entends souvent de personnes qui n’ont jamais mis les pieds dans le quartier en question. Personnellement, je m’y suis toujours très bien sentie et c’est encore plus le cas cette année ! C’est un quartier vivant, qui a une histoire et qui continue de l’écrire. Je m’y sens à ma place et j’essaie d’y être utile. Je pense que si l’opportunité se représente, je continuerai à y travailler encore.

Quel rapport entretiens- tu avec les enfants et les enseignants ? Comment se construisent tes séances ?

Avec les enseignants, ça a de suite été le top ! Je les trouve supers avec les enfants. Ils sont à l’écoute et impliqués. Ils me donnent beaucoup de conseils et m’aident dans la réalisation de mes projets. Ce que j’aime ici, c’est qu’il y a une certaine légèreté dans les rapports enseignants/ élèves, sans rien enlever au respect. Les élèves, ça a pris quelques temps pour les convaincre, encore aujourd’hui certains sont un peu difficiles et il y a des caractères pas toujours évidents à gérer mais je les adore ! Il y a quelque chose qui se crée entre eux et moi qui me plaît beaucoup. On se fait de plus en plus confiance et on partage de très belles choses lors de mes séances. Concernant mes séances, à Sélestat on nous apprend à les construire via des tableaux. On doit préparer notre séance minute par minute en ciblant les objectifs d’apprentissage correspondants à chaque activité. La première année, une préparation de séance me demandait 4 heures de travail mais avec le temps, on apprend à préparer
et surtout à s’adapter à l’humeur du jour de tous, en y allant un peu plus au feeling. J’essaie de varier au maximum chacune des séances en y intégrant des échauffements, du rythme, du chant, des déplacements, des écoutes, de l’écriture... Comme expliqué précédemment, le CFMI est une mine d’or : on nous apprend tellement de choses qu’on ne manque pas de ressources ou d’idées en général. J’aime que tout le monde puisse s’exprimer pendant mes séances. Je n’aime pas me positionner comme quelqu’un qui sait tout et qui va leur apprendre la vie. On apprend tous les uns des autres !

« C’est un quartier vivant, qui a une histoire et qui continue de l’écrire. Je m’y sens à ma place et j’essaie d’y être utile »

Tu as en tête un souvenir marquant de ces premiers mois d’activité à Guynemer ?

J’angoissais beaucoup et les enfants le captent tout de suite, donc ils m’ont beaucoup testé au début. Ça n’a pas été facile et je galère encore à trouver ma figure autoritaire. Donc, quand je stresse trop, je compense par l’humour et j’ai de la chance, ils sont plutôt
bon public. Récemment, ils étaient surexcités et bougeaient dans tous les sens, ils refusaient tout ce que je proposais et moi j’étais un peu désespérée. Ils l’ont vu et m’ont demandé lors d’une séance si je pouvais plutôt leur apprendre « le breakdance ». Depuis, on a monté un crew de danse !

Tu es aussi intervenue le trimestre dernier à l’Ehpad Laury Munch, auprès de personnes âgées et des résidents du FAM (le Foyer d’Accueil Médicalisé). Un beau moment de rencontre non ?

Une des plus belles expériences de ma vie. Je remercie encore Hayette et Stacy de m’avoir permis de vivre ça. Le plus dur a été de se lancer... Ce fut ensuite une expérience extraordinaire ! Au CFMI, la pédagogie est surtout ciblée sur les enfants. Ces interventions en Ehpad m’ont donc permis de sortir de ma zone de confort. J’ai essayé d’apprendre sur le tas et ça m’a fait un bien fou. Je me suis beaucoup attachée aux résidents et je continue à aller les voir de temps en temps pour prendre de leurs nouvelles. J’espère pouvoir reprendre mes interventions là-bas après mes études.

Ton engagement musical est multiple, puisque tu développes aussi un projet solo, en tant que chanteuse, compositrice et interprète. Comment vis-tu ces deux « casquettes » d’artiste ?

Je dois avouer que cette année, c’est surtout ma casquette CFMI que je développe. Mais j’ai hâte de sortir la tête des études pour me remettre aux projets persos. Les deux projets sont très complémentaires. Mes expériences en tant que musicienne intervenante m’inspirent pour mes projets personnels. Je prends plaisir à avoir ces deux casquettes parce qu’au final, on me laisse être moi-même dans les deux contextes. Actuellement, je travaille sur deux gros projets (encore secrets) : un projet duo, avec en vue la sortie d’un EP d’ici 2020, et un projet de groupe mélangeant plusieurs disciplines. La création démarre très bientôt...

Tu apprécies tout particulièrement te produire en extérieur, en impromptu, directement au contact des gens. Ce fut le cas par exemple lors du marché de Noël de l’APAN, avec ce « street show » du collectif Big Est dont tu fais partie. Peux-tu nous parler de ce collectif ? Quelle est votre démarche ?

Ce collectif est une vrai révélation pour moi. Une rencontre entre danseurs, DJ, rappeurs, chanteurs, beatboxeurs, graffeurs, beatmakers, qui ont pour but de se rassembler pour échanger et créer du lien. Nos objectifs sont nombreux : rassembler toutes les disciplines pour échanger ensemble sur nos parcours, nos expériences ; créer un annuaire hip-hop rassemblant tous les contacts locaux pour faciliter la communication interdisciplinaire dans la communauté hip-hop ; retracer l’histoire du hip-hop à Strasbourg depuis sa naissance. Nous n’avons pas la prétention de créer quelque chose de nouveau, l’histoire du hip-hop strasbourgeois est tellement riche et beaucoup de choses ont déjà été faites. Mais on s’est rendu compte qu’au final, actuellement, il n’y avait pas assez de liens entre les différentes disciplines. On essaie donc de se rassembler via des journées telles que « La Rencontre », une journée qui a pour but précisément de réunir tous les arts autour d’un brunch, de moments de paroles et de moments artistiques surtout. Il y a déjà eu deux éditions et c’était extraordinaire ! Ça rap, ça danse, ça mixe, ça graff, c’est beau et c’est authentique. Le street c’est la source ! Big up à ma Big Est family, je vous aime !

« J’aime que tout le monde puisse s’exprimer pendant mes séances. Je n’aime pas me positionner comme quelqu’un qui sait tout et qui va leur apprendre la vie. On apprend tous les uns des autres ! »