Le 12 février dernier, la veille de son concert à Django, nous avons accueilli à l’occasion de notre 3e APARTÉ la révélation française du moment, Yseult. Des échanges sans filtre pour revenir sur le parcours atypique de cette musicienne à la voix d’or et au mental en acier. Maeva Heitz, artiste au sein des Sons d’La Rue et de la Compagnie Mémoires Vives, par ailleurs responsable de divers projets culturels, animait cette discussion. Une expérience inédite, dont elle nous raconte les préparatifs.
Quand cet APARTÉ s’est confirmé, nous t’avons proposé de devenir notre journaliste d’un soir et tu as accepté de suite. Qu’est-ce qui t’a motivé ?
J’aime l’échange et le temps de la déconstruction. J’ai d’ailleurs toujours préféré questionner et écouter, plutôt qu’être interrogée et devoir parler. Avoir l’opportunité aussi de préparer cet entretien, en y injectant des problématiques sur lesquelles je me questionne vraiment, et auxquelles une artiste confirmée et populaire comme Yseult aura forcément des réponses intéressantes et constructives, m’a motivé.
De mémoire, tu as découvert le format APARTÉ lors de la rencontre avec Dope Saint Jude. Qu’en as-tu pensé ? N’est-ce pas précieux de se parler d’art entre artistes ?
Oui, j’ai découvert le format APARTÉ avec Dope Saint Jude et j’ai beaucoup aimé la proximité que ça engage avec un/e artiste, que l’on retrouve et que l’on apprécie par ailleurs avec la distance de la scène ou d’un support audio. C’est intéressant de voir (ce) qui se cache derrière l’artiste, ce qui le/la façonne, ce qui le/la fait, ce qui l’anime. La dimension interactive de l’APARTÉ prend tout son sens : les gens posent des questions spontanées, c’est une vraie discussion. Se parler d’art, c’est précieux surtout au-delà de « l’entre artistes ». A mon avis, l’art ne vaut et ne vit que s’il ne reste pas « entre artistes », justement. Il prend toute sa dimension dès lors qu’il est discuté, débattu, analysé, fustigé, encensé. Tant qu’il ne meurt pas et qu’il appartient à tout le monde.
Comment as-tu abordé cet échange avec Yseult ? Tu la connaissais déjà ?
Je la connaissais, oui. Je l’ai découverte avec son titre « Rien à Prouver » l’an dernier. Gros kif. Je me suis d’ailleurs demandé ce que je lui aurais vraiment posé comme questions si j’avais eu l’opportunité de la rencontrer à la ville, de passer un moment avec elle. On aurait parlé d’elle, de ce qu’elle représente bien sûr et de ses choix esthétiques, musicaux et visuels. Avec APARTÉ, ce fut l’occasion !
Les questions, les sujets te sont donc venus facilement ?
Oui, parce que j’aime l’artiste et le contenu à traiter. Ça rend tout plus facile.
Quel regard portes-tu sur sa musique, son style, ses messages ?
Je me réjouis dès qu’un/e artiste brouille les pistes et fait bouger les lignes – parfois absurdes ou discutables, de la musique urbaine à la pop ou à la chanson française. On dirait parfois que c’est la promotion à atteindre pour être validé(e) par les scènes, les magazines, les salons du bon goût, les émissaires de la musique écoutable... Genre « le bendo mais pas trop ». Tout ça me fait sourire de loin. Elle, elle fait juste ce qu’elle aime sans se poser de questions : c’est peut-être ça le secret pour que ça prenne. Par ailleurs, dès qu’une artiste féminine incarne la force, l’intelligence, la verve, le swag sans s’excuser, je me réjouis. J’écoute. Je m’enjaille. Et on ne va pas se mentir, si c’est une femme artiste noire avec une immense afro, ça me réjouit au carré ! Sans toutefois la réduire à ce créneau de représentation, bien sûr, je dirais que c’est toujours un bonus réjouissant.
Tu te retrouves en partie dans son engagement ?
Je l’admire pour son engagement. Le woman empowerment, tout ce mouvement body positive, c’est un vrai défi et c’est courageux de s’en faire la porte-parole. Il faut tenir, face à tous les vents violents de l’exposition publique. Le corps de la femme en général est disséqué, commenté, politisé parfois malgré elle, et j’imagine que sous les feux de la rampe on a encore plus de comptes à rendre.
Envie de renouveler l’expérience APARTÉ du coup ?
Si j’ai fait le taf, avec plaisir, bien sûr. 🙂