Restitution Action culturelle Espace Django Strasbourg Neuhof

Dans la cour des grands !

03.09.2023

Juin dernier était placé sous le signe de restitutions grandeur nature de plusieurs cycles d’ateliers menés au Neuhof ! Des moments chéris, tant ces créations partagées entre l’Espace Django, artistes aux multiples facettes, structures partenaires et jeunes ouailles du Neuhof charpentent les liens déjà forts qui nous unissent. Tout ce beau monde a donc investi la salle plusieurs jours durant, pour restituer au plus grand nombre et dans des conditions professionnelles ce pourquoi ils ont travaillé dur. Cette fin de saison adaptée aux restitutions, c’est également un virage assumé pour donner toujours plus d’ambition, de corps et d’engagement à l’action culturelle et artistique, et à tous les prodigieux déclics qui en résultent, conscients ou inconscients. Une manière de faire en sorte que le public continue de se rencontrer autour de ces créations éphémères, habitué·es, curieux·euses, parents, camarades de classe, artistes, personnels de l'éducation nationale et qui voudra bien se laisser tenter. Artistes, enseignantes, enfants nous racontent cette expérience.

Le Baka Trio a travaillé avec les CP et CE1 de l’école Guynemer 2 pour le projet Elektro Baklasse

Jonas Gomar et Basile Touratier ont travaillé avec la classe de CM2 de l’école Reuss 2 pour le projet Graines de Percussionnistes

Hélène Rigollet et Boris Desmares ont travaillé avec les CM1 et CM2 de l’école Ziegelwasser pour le projet Zick and Wasser

LES ARTISTES !

Tout d’abord, pouvez-vous nous dire quelques mots sur vous ?

Le Baka Trio : Nous sommes un trio de percussions strasbourgeois composé de François, Rémy et Mathias. Nous avons plusieurs formules différentes, concerts, ciné-concerts ou des actions plus pédagogiques comme le projet mené actuellement avec l’Espace Django.
Jonas Gomar : Je suis batteur et percussionniste de plusieurs groupes sur Strasbourg, notamment Seamer, Turbo Gumzi et depuis peu, The Fat Badgers.
Basile Touratier : Je suis batteur, principalement de Las Baklavas, qui fait d’ailleurs partie de la Pépinière d’artistes accompagnés par Django. Avec Jonas on s’est rencontré il y a longtemps, avec la même volonté et le même parcours, tous les deux issus de familles de musiciens.
Hélène Rigollet : Je suis musicienne intervenante, je mène des interventions avec différents publics, aussi bien en collège, primaire et maternelle. Je suis à la base flûtiste classique et j’ai fait le CFMI (Centre de Formation de Musiciens Intervenants) à Sélestat.
Boris Desmares : Je suis aussi musicien intervenant, avec le même parcours. J’interviens dans beaucoup de structures strasbourgeoises comme le festival Musica ou évidemment l’Espace Django, ou encore HANATSUmiroir, qui est un ensemble de musique contemporaine qui développe aussi beaucoup d’actions de médiation auprès du public.

Pendant plusieurs mois vous avez travaillé avec des élèves du Neuhof afin de créer un spectacle joué sur la scène de Django, qu’est-ce qui vous anime dans ce type de projet ?

Le Baka Trio : C’est vraiment l’énergie qu’on arrive à dégager ensemble et ce qui ressort de la collaboration entre nous, les enfants et les enseignants (très investis !) et bien sûr Django. C’est ce mélange qui nous motive avec l’objectif de mettre les enfants en valeur sur scène, et en immersion complète dans le monde du spectacle vivant. Ils sont sur scène dans des conditions professionnelles, accompagnés par un technicien son, un technicien lumière, avec une mise en scène ; cette mise en valeur est essentielle, la volonté d’être ambitieux avec eux aussi ; nous voyons en eux au travers de ces créations beaucoup de capacités, de potentiels que nous voulons mettre en avant. À la base, ce qui nous anime également, c’est l’envie de transmettre. Nous enseignons tous notre instrument dans des conservatoires, cette démarche pédagogique a toujours fait partie de notre vie d’artiste. On n’a jamais envisagé de faire ce métier sans le transmettre, on le fait donc naturellement avec tous·tes les jeunes qu’on rencontre. C’est un moyen de transmettre, non seulement la pratique de la percussion, mais aussi le vécu d’artiste, même d’un jour et d’expérimenter les moyens mis en place. C’est cette expérience complète qu’on veut leur permettre de vivre.
Jonas Gomar : Ça fait longtemps que je souhaitais faire ce type d’interventions, je ne suis pas forcément un spécialiste du sujet. Des ateliers au long cours avec des enfants, c’est définitivement une autre approche ; souvent au début, on tâtonne, on a besoin de bien connaitre chaque élève, comment ils·elles fonctionnent. Au final, on a en quelques mois monté ce spectacle un spectacle, pour un véritable apprentissage commun. Ça nous a beaucoup apporté, autant à titre personnel que collectivement.
Basile Touratier : Ce qui nous plait là-dedans, ce sont les différences, ça nous confronte, c’est très intéressant. On a eu plein de moments très chouettes, et pu se partager mutuellement des notions avec lesquelles on n’était pas familier. Au fur et à mesure, on voyait qu’ils·elles retenaient ce qu’on leur partageait.
Hélène Rigollet : Le but c’est que tous les élèves y arrivent, que tout le monde s’investisse avec ses capacités, pour aboutir à une énergie de groupe et que chacun·e soit convaincu·e par ce qu’il·elle fait. C’est très important qu’ils se sentent investis, qu’ils réalisent que ça ne fonctionne pas s’ils ne sont pas habités par ce qu’ils font. Les enseignant·es sont en demande de ce type de projet parce qu’ils·elles découvrent d’autres facettes de leurs élèves, et sont régulièrement étonné·es de ce que certains et certaines sont capables de produire, de voir leur évolution, et de les voir oser. On se nourrit tout au long du projet de toutes ces petites victoires !
Boris Desmares : De voir qu’on arrive à les bousculer dans leur quotidien, à leur faire faire un pas de côté. Même si de prime abord ils·elles sont dans le refus et n’ont pas envie de se lâcher parce qu’ils·elles sont traversé·es par certains codes et qu’ils·elles n’arrivent pas trop à s’en détacher, on arrive quand même à les amener vers des sentiments simples à évoquer mais plus difficiles à réaliser, à savoir s’amuser en pratiquant. Et par ce biais-là, on arrive à les faire se dépasser. Ça nous gratifie énormément d’observer jusqu’où ils peuvent aller, même si notre travail est aussi d’homogénéiser le groupe. On propose un spectacle musical, mais on travaille sur plein de notions qui sont utiles à la vie de tous les jours, l’écoute, la prise de parole, ou encore le fait d’œuvrer en collectif.

Comment le contact avec les plus jeunes nourrit votre pratique, mais aussi la façon dont vous transmettez tout ça ?

Le Baka Trio : Forcément, c’est toujours questionnant, surtout quand il faut développer une certaine efficacité dans la transmission. On ne peut pas se permettre d’être vague, on se doit d’être précis, hyper concis, avec une idée claire de là où on veut aller. Parfois, c’est là où ça peut être compliqué avec des CP et des CE1, car on a besoin d’aller au but et de réussir à bien canaliser nos idées. Ça nous oblige à être très au point sur nos propositions artistiques. Ils ne peuvent être ni embarqués, ni galvanisés s’ils·elles ne comprennent pas clairement ce qu’il se passe. Finalement, c’est une exigence qui est assez spécifique à ce type de format. À la fois, il y a le timing qui est court, il est quand même exigé d’enfants qui ne sont pas musicien·nes, de monter un spectacle en peu de temps. On évolue aussi avec tout ce qu’on propose comme compositions et comme arrangements. On leur transmet des morceaux, parfois
des dérivés des nôtres, et ça nous oblige à les faire évoluer, à passer du temps là-dessus, et forcément à devenir meilleurs.
Jonas Gomar : Les enfants de CM2 n’ont que peu de barrières, avec un enthousiasme assez incroyable à tout ce qu’on peut proposer. Souvent, ils ont un coup d’avance, nous posent les bonnes questions, des choses auxquelles on n’a pas pensé avant, apportent des idées vraiment chouettes.
Basile Touratier : En préparant nos séances, on s’est rendu compte du volume d’idées apportées par les enfants. On leur a amené quelques notions, comme le konnakol (technique de percussion vocale venant d’Inde) mais ils·elles avaient déjà des bases. Armelle, leur maîtresse, a également fait un travail gigantesque avec elles·eux. On s’est adapté à leur connaissances et leurs envies, c’est ça qui aboutit d’ailleurs à un spectacle avec beaucoup de chant, alors que ce n’était pas l’idée initiale. Tout le spectacle est finalement construit sur des idées qu’ils·elles ont eu et qui nous ont inspiré ; elles faisaient toutes écho aux repas, à la nourriture, et c’est naturellement devenu le fil rouge du spectacle.
Hélène Rigollet : On a une vision où on se met sur un pied d’égalité, on apporte parfois des instruments qu’on n’a pas forcément testé jusqu’au bout et on les essaye avec elles·eux, on partage tout en leur apportant aussi notre expérience, notre technique. On aime montrer à des enfants non musicien·es que tout le monde peut l’être et réveiller le·la musicien·ne en chacun·e de nous. J’ai remarqué aussi que j’ai progressé en clarté d’expression. Quand tu as 40 enfants devant toi, il faut vraiment que tu sois le plus concis et le plus clair possible, et de même avec tes gestes de direction.
Boris Desmares : Dans ce métier, on n’arrête jamais de progresser, on est toujours à la recherche d’outils. Il n’y a pas de science exacte de la transmission, il y a plein d’objets qui permettent d’être à l’aise ou de revenir sur les points où t’as échoué. On essaye des méthodes, en voyant ce qui fonctionne ou non. Sinon, ce qui me fait progresser, c’est que je développe une attitude de clown. Ce public est vraiment sincère et ne triche pas, si tu l’ennuies, il va te le montrer, mais si tu arrives à les amener dans ton jeu, ils·elles vont te suivre n’importe où. Et ce qui est assez intéressant c’est que je développe cette même attitude sur scène. Mon métier de musicien intervenant a un écho dans cette autre facette du métier de musicien·ne.

LES ENSEIGNANTES !

Au travers de cette expérience, remarquez-vous une évolution sur le parcours personnel des élèves ou encore votre lien avec les parents ?

Armelle Lemoine (enseignante CM2, école Reuss 2) : Bien sûr qu’il y a une évolution sur le parcours des élèves grâce à cette expérience. Déjà globalement un projet musical comme celui-ci, avec l’Espace Django que tous·tes les élèves connaissent et apprécient, est très porteur et motivant pour chacun·e d’entre elles·eux. C’est une belle motivation pour se lever le matin et venir à l’école car ils·elles savent que nous allons répéter, créer, chanter et faire des rythmes dans un but qui les motive, montrer leurs progrès aux autres élèves et à leurs parents sur une vraie scène. Et puis, Basile et Jonas les ont tous·tes fait voyager grâce à leurs rythmes mais aussi grâce aux découvertes musicales qu’ils leur ont permis de faire. Les élèves ont tous·tes adoré les konnakols (technique de percussions vocales indiennes) que nous répétions presque tous les jours parce que c’était totalement nouveau et donc excitant pour elles·eux. Les intervenants les ont emmenés dans un monde qu’ils·elles ne connaissaient pas et qu’ils·elles ont beaucoup apprécié. Et puis ce genre de projet permet à des élèves en grande difficulté de se révéler soit rythmiquement, soit au niveau du chant, soit au niveau graphique pour les affiches ou encore pour trouver des lumineuses idées au niveau de la mise en scène. Enfin, après une telle aventure, je crois que chaque enfant est fier du résultat et donc fier de lui·elle, et ça c’est extrêmement important ! Quant aux parents, ils ont été agréablement surpris par leurs enfants et semblaient vraiment heureux d’avoir pu les voir sur scène à l’Espace Django.
Caroline Granger (enseignante CP, école Guynemer 2) : Nous avons toutes observé une très belle évolution tout au long de ce projet. En effet, au vu des premières séances, nous n’imaginions pas aboutir à un tel résultat ! Il était difficile pour beaucoup de se concentrer ou de reproduire un rythme, alors que le jour du spectacle, ils·elles ont tous été totalement investis et nous ont présenté un vrai spectacle ! À notre grande (et heureuse !) surprise, presque tous les parents étaient présents le soir du spectacle et ils ont tous été ravis de la prestation de leurs enfants et si fiers d’elles·eux ! En conclusion, nous sommes vraiment enchanté·es d’avoir pu mener ce projet, avec des musiciens, pédagogues, vraiment au top !

Quelles ressources la pratique artistique mobilise-t-elle chez elles·eux ?

Armelle Lemoine : Je dirais que ce qui me semble essentiel est la confiance en soi qu’ils·elles ont tous beaucoup travaillé tout au long du projet. Leur propre image s’est illuminée grâce à ce projet. Et puis aussi la persévérance, la rigueur mélangée au plaisir de chanter ou de faire des percussions. Et puis évidemment toutes les ressources mobilisées grâce aux apprentissages mélodiques et rythmiques.
Caroline Granger : Ce projet a mobilisé beaucoup de compétences chez nos élèves. Cela leur a demandé de maintenir une attention soutenue, de réussir à s’écouter et à travailler toutes et tous ensemble. Reproduire les rythmes demandés, au bon moment, en faisant preuve de coordination n’était pas évident au début, mais tous·tes ont montré de beaux progrès. Ils·elles ont également appris à faire preuve de patience et de persévérance ! Cela leur a enfin permis de découvrir le monde du spectacle, non pas du côté des spectateurs, mais des artistes. En bref, un projet riche en apprentissages !

Et pour vous, quel impact cela a sur votre quotidien en tant que professeur.e ?

Armelle Lemoine : Un projet comme « Graines de percussionnistes » est bien évidemment moteur au quotidien et puis la rencontre de l’univers de Jonas Gomar et Basile Touratier a été extrêmement enrichissante pour nous tous·tes. Ce fut une très belle année remplie de notes et rythmes pour ces futurs collégien·nes comme pour moi-même ! La pédagogie de projet est extrêmement importante pour moi en tant que professeur des écoles dans un quartier comme le Neuhof, surtout avec des partenaires aussi précieux qui font le lien entre les artistes percussionnistes, un projet culturel comme Django, l’école Reuss 2 et les habitant·es du quartier. Merci de nous avoir permis de faire ce projet !
Caroline Granger : Mener un tel projet, sur l’ensemble du cycle 2 (2 CP et 2 CE1), a été très motivant et enrichissant. Malgré leurs difficultés des débuts, ils·elles se sont vus progresser et ont été très fier·ères d’aboutir à un spectacle d’une si belle qualité. Même des élèves en difficulté, notamment issus du dispositif ULIS, ont pu participer pleinement à ce projet. Ce projet a permis de souder les élèves des 4 classes et de finir l’année en beauté ! Pour conclure, ce projet, alliant discipline, rigueur et plaisir, a aidé les élèves à surmonter leurs difficultés et à progresser, il a aussi permis de valoriser les notions d’effort, de patience, de persévérance, d’écoute, de solidarité, tout cela avec beaucoup de joie et de satisfaction !

LES ÉLÈVES !

Alors, votre ressenti après vous être produits sur la scène de Django ?

ÉLÈVES DU SPECTACLE ELEKTRO BAKLASSE
Daloba :
C’était trop trop bien. C’était la meilleure journée de ma vie.
Marwa : C’était génial.
Khogsta : C’était super, je croyais que j’avais le track mais en fait non, c’était super cool.

ÉLÈVES DU SPECTACLE GRAINES DE PERCUSSIONNISTES :
Sovann :
Pour moi c’était bien, et le public a bien réagi.
Mohamed & Rosalie : C’était trop bien !
Maï-Linh : Au début c’était un peu trop gênant, mais après c’était trop bien.

ÉLÈVES DU SPECTACLE ZICK AND WASSER
Mila & Nisrine :
Au début c’était un peu stressant, et après tu te laissais aller, et c’était super.