De prime abord, ce n’était pas si évident. Que vient faire le Festival du livre audio à l’Espace Django ? Et pourtant, cinq ans après notre première collaboration, c’est dorénavant très clair ; il faut continuer à défendre cette matière aussi expérimentale que les musiques actuelles et les multiples pratiques émancipatrices qui en découlent. Les expériences ont été fructueuses ; s’initier à la lecture à voix haute et à l’enregistrement d’un texte coup de coeur, seul sur la scène de Django avec un ingénieur du son, que le texte en question soit en français, en braille ou dans une autre langue. Composer et enregistrer des haikus sonores avec des pré-ados, ou plus récemment se laisser emporter par des lectures à voix haute et en direct, dans l’intimité de son transat, de son casque, mais en compagnie de 45 autres paires d’oreilles. Une expérience intime et collective donc. Entretien avec Cécile Palusinski, en charge du festival, pour continuer à imaginer les possibles.
Peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis Cécile Palusinski, présidente de l’association La Plume de Paon, dédiée à la promotion du livre audio francophone, en France et à l’étranger. Également écrivaine et créatrice de contenus sonores, je m’intéresse particulièrement aux liens entre l’humain et son environnement, à travers des projets poétiques. Je crois que dans un temps où tout s’accélère, où les repères vacillent, le livre demeure un refuge et un pont.
Qu’est-ce qui a fait naître l’idée du Festival du livre audio et qu’y défends-tu ?
L’idée du Festival du livre audio est née de la volonté de démocratiser l’accès à la lecture et de multiplier les portes d’entrée vers la littérature, mais aussi de valoriser le livre audio. Le festival défend la richesse et la diversité de la production de livres audio francophones, tout en offrant une programmation permettant aux auteur·rices, narrateur·rices et éditeur·rices de rencontrer le public et d’échanger autour de leurs oeuvres. Aujourd’hui, alors que les habitudes de lecture évoluent, c’est peutêtre le livre lui-même qui sauvera le livre, en empruntant d’autres chemins, en se libérant du papier pour conquérir de nouveaux espaces d’écoute et d’émotion. Le livre audio en est la preuve éclatante. Il redonne vie aux textes par la voix, il crée une intimité unique entre l’auditeur·rice et l’histoire. Il permet aux mots de s’ancrer autrement, de se déposer dans nos esprits à travers le rythme d’un souffle, la nuance d’un timbre, l’intensité d’une interprétation. Écouter un livre, c’est renouer avec la tradition de l’oralité, c’est retrouver le plaisir de la transmission des contes autour du feu. Et c’est aussi ce plaisir de la lecture à voix haute que je souhaite défendre et partager.
Nous collaborons depuis 2019 sous des formes multiples, peux-tu nous expliquer pourquoi c’était important de trouver des ponts avec l’Espace Django ?
L’Espace Django est animé par des valeurs d’engagement, de convivialité, d’ouverture culturelle et notre association La Plume de Paon se reconnait dans ces valeurs. Il est en effet dans le livre audio des dimensions sociales et culturelles qui nous sont chères, qui plus est dans un quartier comme celui du Neuhof, marqué par une grande diversité. Le quartier accueille aussi de nombreux primo-arrivant·es, pour lesquel·les l’écoute de livres audio peut permettre une première belle rencontre avec le livre et la langue française. Aussi on ne pouvait rêver de meilleur partenaire que l’Espace Django qui va régulièrement à la rencontre des habitant·es. Ils·elles travaillent aussi régulièrement avec l’association Adèle de Glaubitz, une autre belle occasion de collaborer ensemble avec des enfants malvoyant·es, avec de beaux souvenirs sonores à la clé.
« L’idée du Festival du livre audio est née de la volonté de démocratiser l’accès à la lecture et de multiplier les portes d’entrée vers la littérature, mais aussi de valoriser le livre audio. »
Qu’est-ce qui a changé depuis ? Comment le festival grandit ici et ailleurs ?
Depuis le début de l’aventure en 2009, le Festival du livre audio a gagné en visibilité et en notoriété, attirant un public de plus en plus diversifié. Nos collaborations avec plusieurs partenaires à Strasbourg, dont l’Espace Django, ont contribué à ancrer le festival dans le paysage culturel local. Depuis maintenant quelques années, nous créons aussi de plus en plus de passerelles avec d’autres pays francophones, avec notamment un partenariat durable en Tunisie avec l’Alliance française de Bizerte ou encore à travers l’organisation d’un Prix du Public du livre audio francophone, initié en partenariat avec l’Institut français, qui donne à découvrir des éditeurs d’Afrique francophone, du Maghreb, ou encore du Québec. Mettre en lumière la diversité des voix de la francophonie nous tient beaucoup à coeur !
Peux-tu nous parler des moments marquants que tu as vécus ici, à Django, lors des différentes éditions ?
Il y a eu des rencontres très émouvantes dans le cadre des ateliers d’enregistrements de textes « coup de coeur », où le public a pu s’essayer à l’enregistrement en studio. Parmi ces moments marquants, je garde en mémoire la lecture en binôme d’une jeune fille et d’une maman primo-arrivantes, la première encourageant sa maman qui ne maîtrisait pas encore le français, les lectures aussi d’enfants malvoyant·es de l’association Adèle de Glaubitz qui ont enregistré à voix haute des textes de leur composition écrits en braille, ou encore les lectures de femmes du quartier qui avaient écrit des textes dans le cadre d’un projet de documentaire, partageant avec les autres des moments de leur quotidien… Plus récemment, la compagnie l’Écrit du son nous a embarqués dans l’écoute collective de lectures immersives au casque, avec le bonheur de partager ces moments tous ensemble.
« Écouter un livre, c’est renouer avec la tradition de l’oralité, c’est retrouver le plaisir de la transmission des contes autour du feu. »
Et ensuite ? C’est quoi le projet fou pour le festival ?
Cette année, nous collaborons avec les Ensembles 2.2 à la création d’un parcours sonore géolocalisé pour la jeunesse dans le quartier de l’Elsau, où nous investirons les espaces naturels. Ces points d’intérêt constitueront différentes stations de radio géolocalisées proposant chacune du contenu en lien avec des contes sélectionnés par la Plume de Paon.
Quel livre audio, quel podcast à découvrir absolument ?
Je recommande Croire aux fauves de Nastassja Martin, lu par Lara Suyeux, chez Gallimard audio, une oeuvre poignante qui raconte la rencontre de l’auteure, anthropologue française avec un ours dans les montagnes du Kamtchaka. Côté podcast, allez faire un tour sur Arte Radio, Binge Audio ou Louie media ! Il y en a pour tous les goûts !
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