VOUS AVEZ DIT DEVELOPPEMENT ?

17.12.2019

Que seraient les artistes sans leurs « développeurs » ? Ces structures de production aux formes et aux métiers multiples (management, tour, disque, édition, promotion, administration...), qui travaillent souvent dans l’ombre à la structuration des projets qu’ils accompagnent.
La ville de Strasbourg en est dotée d’un bon petit nombre, tous plus dynamiques les uns que les autres. A Django, depuis plusieurs saisons, nous collaborons régulièrement avec Tipping Point, qui s’occupe entre autres de FreeZ, Difracto et depuis peu de La Bergerie, tous 3 pépiniéristes. Rencontre avec Charlotte qui nous parle de son activité, de son quotidien aux côtés des groupes.

Comment est né Tipping Point ? Pourquoi ce nom d’ailleurs ?
La genèse de Tipping Point nous ramène dix ans en arrière, période à laquelle j’ai commencé à collaborer avec Eli Finberg autour d’Art District, Caterva...
A ce moment-là, je ne voyais pas comment faire de l’accompagnement mon activité principale. Du coup j’ai travaillé dans des institutions (Musica, Pôle Sud, les Percussions de Strasbourg), ce qui m’a permis d’apprendre pas mal de choses que je peux transposer aujourd’hui. Puis en 2016, Eli me parle de FreeZ. Là, j’ai eu envie d’accompagner le groupe et d’aller plus loin. Mais bon, jusqu’en 2019, tout ça ne s’appelait pas Tipping Point. Tipping Point est officiellement né en 2019, ça signifie « Point de bascule ». C’est un nom qui fait écho à la motivation de la structure : amener des artistes, un projet à franchir une étape, basculer dans la professionnalisation, le développement de carrière (et c’est aussi le titre d’un album de The Roots, un jeune groupe de hip-hop provenant de Philadelphie).

Quelles sont tes principales missions ? Evoluent-elles en fonction des besoins des groupes ?
Je m’occupe de la partie administrative, de la coordination du projet et de son suivi, ainsi que de la recherche de partenaires et de financements. On prend aussi le rôle de manager dans certains cas. Oui, les missions évoluent en fonction des besoins des groupes, de leur niveau de développement et des opportunités qui se présentent.

Comment choisissez-vous les artistes avec lesquels vous décidez de faire un bout de chemin ?
C’est plutôt Eli qui repère les nouveaux talents !
Et ensuite, on en parle entre nous. On rencontre les groupes, les artistes pour faire un point et poser les conditions d’une collaboration. On essaye aussi d’avoir des projets qui n’ont pas tous le même niveau de développement. Nous ne nous posons pas de contrainte esthétique dans la ligne artistique, même si les projets actuels ont une orientation plutôt hip-hop et musique électronique.

C’est facile de parler la même langue, toi d’un côté, les musiciens de l’autre ? Vous arrivez toujours à vous comprendre et à définir un horizon commun ?
Avec un peu d’expérience maintenant, c’est la première chose à mettre en place : trouver le terrain d’entente. Mon travail n’existe pas sans les artistes et les artistes ont besoin d’un entourage pour valoriser leur création, leurs montrer les possibilités d’évolution qui existent. Pour que ça fonctionne, artistes et développeur/ administrateur doivent bosser en binôme, c’est la seule formule qui donne des résultats. Un développeur n’est pas un magicien. Un artiste accompagné ne se développe que s’il reste investi dans son projet.
Par contre, on se charge de créer les conditions pour qu’ils puissent se concentrer sur l’artistique.

La fonction de « développeur » est souvent méconnue du grand public et pas toujours soutenue pas les pouvoirs publics. Ce n’est pas trop ingrat ? N’est-il pas temps de vous reconnaître comme il se doit ?
Difficile de dire que ça n’est pas ingrat. Par contre, je ne ressens pas du tout le besoin de quitter l’ombre dans laquelle j’officie. Ce qui manque à cette fonction, c’est une reconnaissance, des aides financières pour permettre aux développeurs d’avoir le temps de se structurer. Lorsqu’on décide d’accompagner un artiste, c’est un pari qui dans un premier temps ne peut être remporté que si les pouvoirs publics nous soutiennent. J’ai l’impression que le métier de développeur commence à rentrer dans le vocabulaire des pouvoirs publics, notamment parce que la défiance qui existait auparavant vis-à-vis de ce qu’on appelle l’industrie musicale se tarit, et tout simplement parce qu’une nouvelle sorte d’artistes émerge et qu’ils sont plus entrepreneurs. Cette position les amène à se construire eux et leur carrière différemment. De mon point de vue, c’est là qu’un développeur d’artiste est un véritable allié.

C’est quoi la suite pour Tipping Point ? Que peut- on vous souhaitez ?
Depuis peu, il y a quatre groupes chez Tipping Point : FreeZ, Difracto, Mojo Sapiens et La Bergerie (à retrouver sur tippingpointproduction. com). Il est possible qu’on en accueille d’autres prochainement mais on n’a pas vocation à devenir une usine à groupes. On préfère la qualité à la quantité, accompagner le plus loin possible. On ne peut donc nous souhaiter que le meilleur, que les groupes se développent, se sentent bien chez nous et que ça dure !